Avec l’arrivée du printemps et jusqu’au début de l’automne, sortons du théâtre pour profiter, le temps de la pause déjeuner, d’une détente profonde en musique…

Petit aperçu de votre prochaine sieste, par S.R

D’abord, l’accueil. C’est important. Discret, le DJ ne demande rien, ni n’impose; il propose plutôt. Quelques gazouillis et bruits d’eau pour se mettre dans l’ambiance, un transat à l’ombre ou au soleil, ou un peu des deux, au choix. C’est le bon moment après un repas frugal, pour s’accorder un moment de détente, recharger les batteries (non non, on parle des vôtres, pas de celles de votre smartphone). Dans le dos, une sono discrète. Au début le volume m’a paru un peu élevé; en fait, il est dosé parfaitement pour effacer les bruits intempestifs des chantiers qui semblent ne jamais vouloir s’arrêter, et surtout pour se sentir immergé totalement et coupé momentanément de la fureur du monde.

La musique arrive, sans brusquer. Quelques notes de oud, de kora, de darbouka : le voyage commence. Instinctivement les voyageurs immobiles retirent leurs chaussures. Trop étroites et trop lourdes pour nous permettrent de nous envoler. Fermer les yeux, dans un lieu public, n’est pas si facile. Ne pas réagir, ne pas prêter attention même aux passants, aux bruits devenus plus rares et qui prennent du coup plus de relief. Se laisser vraiment aller, détendre nos muscles contractés, tendus par l’urgence du quotidien, les soucis, la vigilance permanente est encore plus compliqué.

Pourtant, petit à petit, la force évocatrice de la musique vous envahit, vous soulève et vous guide sur  les chemins de Samarcande, les marchés de Bénarès, les sentiers des cordillères. Les paysages et les couleurs surgissent derrière les paupières closes. Seule votre imagination dessine ce que vous voyez, seule votre fantaisie règne. Le corps se délasse enfin, la tête bascule et le sourire spontanément renaît. Des parfums même, inconnus, sensuels, font frémir vos narines, portés par la brise légère qui vous caresse. Les sables du désert, le bleu des océans ou des tenues touaregs, les terres rouges, les sommets vertigineux; l’esprit s’affranchit des limites trop souvent imposées et parcourt, libre, la beauté de notre monde et de ses habitants. Juste à temps pour éviter le filet de salive au coin des lèvres, c’est le retour des gazouillis et des bruits d’eau qui vous ramènent tout doucement, avec quelques regrets mais régénéré, à la réalité. Une demi-heure, déjà?! Alors qu’on apréhendait, peut-être la longueur, c’est presque trop court. Mais l’expérience peut continuer. On n’est pas à l’abri d’une rencontre avec un voisin, une voisine de chaise longue. Ce moment hors du temps aura fait naître et renaître, qui sait, des vocations, des histoires, des envies de voyages. Ou simplement celle de revenir la semaine prochaine, pour une prochaine sieste musicale…